44 Achille Mbembe, De la postcolonie : essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, p. 153. 33Comme on le sait au moins depuis Machiavel, pour ne pas remonter aux Romains, aux Grecs ou aux Égyptiens, la politique est orientée essentiellement vers l’élaboration de stratégies de conquête et de conservation du pouvoir. Dans les régimes néopatrimoniaux africains, l’activité politique est, peut-être plus qu’ailleurs, accaparée par le souci de demeurer au pouvoir en raison de l’ampleur du déficit de légitimité. 63 Goran Hyden, « La crise africaine et la paysannerie non capturée », Politique africaine, no 18, juin 1985, p. 93. Les chefs partagent plusieurs points communs : ils s’attribuent des pouvoirs dans tous les domaines, y compris divin ; ils sont brutaux et recourent excessivement à la force ; ils ne sont limités dans leur arbitraire ni par des principes moraux, ni par des institutions, ni par des collègues37. Fréquentation certifiée par l'ACPM/OJD. Il y a trente ans au Bénin, s'ouvrait la première conférence nationale d'Afrique francophone, en février 1990, première étape de la construction des institutions démocratiques béninoises. Les sociétés africaines sont-elles réellement incompatibles avec la démocratie et le multipartisme ? 25 Jean du Bois de Gaudusson, « Madagascar : A Case of Revolutionary Pragmatism », dans John Markakis et Michael Waller (dir. C’est surtout au début des années 1980, au cours desquelles l’impasse politique et économique devient évidente en Afrique, que les chercheurs ont commencé à remarquer ces phénomènes de repli des sociétés. En effet, trois difficultés doivent être résolues au préalable : d’une part, il faut choisir parmi la diversité des critères de classification. Le Ghana, par exemple, obtient son indépendance en 1957 sous la direction de Kwame Nkrumah, chef du parti majoritaire au parlement. 64 Naomi Chazan, « Patterns of State-Society Incorporation and Disengagement in Africa », dans Naomi Chazan et Donald Rothchild (dir. Durant la période suivant immédiatement l’indépendance, les gouvernants commencent à concentrer le pouvoir entre leurs mains. Enfin, il faut être attentif au fait que les régimes sont souvent mixtes, mêlant des logiques civiles et militaires ou puisant dans des registres idéologiques et de légitimation pluriels. Les racines de l’autoritarisme postcolonial. Pour C. Young, elle aidait à rendre les excès du pouvoir plus supportables alors que Comi Toulabor penche davantage vers l’idée de résistance car, selon lui, « on peut supposer que plus un État s’affiche unanimiste et intégrationniste, plus il y a des probabilités que se développe chez les gouvernés un “anti-discours”74 ». L’indice de 4,26 qu’attribuent les spécialistes du magazine à l’état de la démocratie en Afrique subsaharienne est le plus bas depuis 2010. Où en est le processus en 2020 ? 46Le même sort a frappé Ruben Um Nyobé au Cameroun en 1958, peu avant l’indépendance du pays. 65 Jean-Marc Ela, Innovations sociales et renaissance de l’Afrique noire : les défis du monde d’en-bas, Paris/Montréal, L’Harmattan, 1998, p. 145. C’est pourquoi, d’une certaine manière, la plupart des régimes africains des années 1960 à 1990 avaient, au-delà de leurs différences, des allures de dictatures personnelles. Elles s’assurent la liberté de commerce sur les fleuves du Congo et du Niger. 9À l’indépendance, la plupart des pays africains avaient adopté un modèle parlementaire pluraliste. Dans ces conditions, « la sorcellerie peut représenter des possibilités d’instrumentalisation de la tradition dans un cadre sociopolitique en cours de transformation58 ». Pour Jean-François Bayart comme pour son homologue britannique Nic Cheeseman, auteur d’un essai sur la démocratie en Afrique (2) qui fait autorité, le modèle de l’autoritarisme africain ne serait pas endogène, mais colonial. Selon Chabal et Daloz, « il est ainsi courant d’interpréter toute occurrence néfaste comme relevant de manœuvres occultes57 ». Selon Médard, « les autoritarismes durs connaissent un fort degré de violence et ils reposent sur une peur permanente et insidieuse plus que sur la terreur49 ». Adebayo ADEDEJI * La situation économique de l'Afrique : vers une reprise ? 35 H. E. Chehabi et Juan J. Linz (dir. On voit notamment un appareil coercitif prendre de l’ampleur, y compris les milices loyales au pouvoir70 afin d’asseoir la domination et mater les résistances. Les leaders doivent donc penser constamment à élaborer des stratégies pour conserver le pouvoir. 50 Pierre-François Gonidec, Les systèmes politiques africains, p. 242. Gazibo, Mamoudou. Des 48 pays dirigés selon l’un ou l’autre des autoritarismes (rappelons que seuls cinq pays étaient pluralistes en 1989), presque aucun n’a résisté à cette forme ouverte de résistance prônant leur renversement. 10 Voir Mamoudou Gazibo et Jane Jenson, La politique comparée : fondements, enjeux et approches théoriques, Montréal, les Presses de l’Université de Montréal, 2004. En bref, partout, « les sociétés africaines sont mises en demeure d’inventer les modes d’adaptation aux contraintes d’une crise durable65 ». Chazan et ses collègues remarquent que ce type de régime comprend aussi bien des pays dirigés par des militaires que par des civils. Entre 1891 et 2000, il y a eu 69 naissances de personnes portant le nom de famille LAFRIQUE en France Le peu de naissance pour le nom de famille LAFRIQUE ne permet pas d'avoir le recensement par département pour des raisons de confidentialité. L’exercice du pouvoir en Afrique postcoloniale”. ), Traité de science politique, tome 1, Paris, PUF, 1985, p. 397. Selon Chazan et ses collègues, les populismes émergent en Afrique dans les années 1980 (sauf en Libye, où M. Kadhafi prend le pouvoir dès 1969) en réponse à la désagrégation politique et économique. L’Afrique revient de loin. 2 - La pratique de la démocratie électorale est entrée dans les mœurs. Quoi qu’on puisse penser de ces régimes qui peuvent basculer rapidement dans l’autoritarisme et qui ne sont pas démocratiques dans le sens libéral du terme, ils se distinguent sur deux plans de la majorité des régimes africains de l’époque : d’une part, ils créent une certaine rupture par rapport au néopatrimonialisme exacerbé et, d’autre part, ils parviennent à reconstruire quelque peu l’État précédemment au bord de l’effondrement, comme les cas du Ghana et de l’Ouganda le démontrent33. Il use de la distribution d’argent, de postes dans l’administration, de nominations à l’étranger, bref, du favoritisme et du prébendalisme pour se constituer un réseau de clients et de protégés qui, bénéficiant du régime, se transforment en ses défenseurs et en assurent la pérennité52. Ces configurations ont eu des impacts sur la nature des régimes qui en sont issus. 37User de la force et de l’argent ne suffit cependant pas à maintenir la domination. Toute résistance ou rébellion des populations y fut presque toujours punie de façon violente, et cela se traduisit parfois par un génocide. Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque/établissement d’acquérir un ou plusieurs livres publié(s) sur OpenEdition Books.N'hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées :OpenEdition - Service Freemiumaccess@openedition.org22 rue John Maynard Keynes Bat. L’apartheid n’a été démantelé qu’en 1991 après la libération de Nelson Mandela, la suppression des lois « piliers » de l’apartheid et l’organisation des premières élections libres élargies à tous les groupes composant le pays. La périodisation proposée par Chazan et ses collègues à propos du processus de construction de l’arène publique dans les États postcoloniaux68 peut être utilisée ici pour concevoir trois moments au cours desquels des formes de résistance émanent de la société. 18 Pierre-François Gonidec, Les systèmes politiques africains, 2e édition, Paris, LGDJ, 1978, p. 239. Le document final de la conférence de Berlin stipule que Léopold de Belgique reçoit, à titre personnel, deux millions et demi de kilomètres soit l’actuel République Démocratique du Congo. 38Cette recherche de ressources persuasives comme complément aux ressources coercitives se manifeste en premier lieu par un culte de la personnalité comme on le voit dans ce commentaire du journal d’État camerounais au sujet d’une visite du président Paul Biya : Comblée. Mais ces 10 dernières années, c’est l’enseignement supérieur privé qui a concentré l’essentiel de ce dynamisme. Celui-ci déplorait encore récemment que les dictateurs du continent soient mieux connus que ses démocrates, citant l’exemple d’un ancien chef d’État africain qui a dû lui-même appeler un taxi après la passation de pouvoirs ! Mais la persistance de pouvoirs autoritaires ou semi-autoritaires ainsi que le dernier coup de force au Mali montrent que ces évolutions restent fragiles. Au Bénin, par exemple les principes de discipline du parti (1974-1991) étaient très « marxisants » certes : la soumission de l’individu à l’organisation, la soumission de la minorité à la majorité, la soumission des instances inférieures aux instances supérieures et la soumission de tout le parti à son Comité central21. 16 Michael Bratton et Nicolas Van de Walle, Democratic Experiments in Africa, p. 78-81. C - 13013 Marseille FranceVous pouvez également nous indiquer à l'aide du formulaire suivant les coordonnées de votre institution ou de votre bibliothèque afin que nous les contactions pour leur suggérer l’achat de ce livre. 24 Voir Vincent Ochilet, L’expérience du marxisme-léninisme en République populaire du Bénin, Mémoire de DEA d’études africaines, Bordeaux, CEAN, 1990, p. 237. Gonidec rapporte ainsi que le congrès du Rassemblement du peuple togolais de 1976 a proclamé la primauté du parti unique et demandé la suppression de l’indépendance des juges pour « éviter l’apparition d’un contre-pouvoir (le gouvernement des juges) et tenir compte du contexte national, c’est-à-dire le sous-développement, qui commande la mobilisation de toutes les énergies pour le muer en son contraire : le développement18 ». France 2. Une équipe de France 2 revient sur le parcours des femmes en politique depuis leur droit de vote en 1945. À ceux-là s’ajoutent des pays en cours de démocratisation et dont font partie pêle-mêle la Gambie, l’Éthiopie, le Nigeria, l’Algérie, le Maroc, le Kenya, la Zambie et Madagascar. La culture du chef, qui caractérise les sociétés africaines traditionnelles, est alors pointée du doigt par les observateurs pour expliquer pourquoi la culture démocratique a tardé à prendre racine dans le continent. 2Chargée de gérer la fin de la relation coloniale et de contenir l’influence soviétique, l’aide à l’Afrique connaît une forte croissance dans les années 1970-1980, passant de onze milliards de dollars en 1972 à quarante milliards de dollars en 1990. Le retour au parti unique est présenté comme une façon de renouer avec les formes africaines précoloniales de gouvernement fondées sur le consensus. 71 Peter Anyang Nyongo, Afrique : la longue marche vers la démocratie. L'Afrique du Sud a récemment été remplacée par le Nigéria en tant que plus grande économie de l'Afrique subsaharienne, mais le pays continue d'être un leader régional. Jean-François Bayart note ainsi que « les situations de contrôle politique accentué, qui dominent en Afrique noire sous les formes des régimes de parti unique, des régimes dits “militaires” des dictatures civiles et des régimes ségrégationnistes n’évacuent jamais complètement l’intervention des groupes sociaux subordonnés67 ». Ils contrastent donc avec le caractère sanglant des sultanismes, tel celui de Macias Nguema en Guinée équatoriale. L’instabilité en Afrique et ses déterminants, Les types de régimes africains de 1960 à 1990, Expliquer la généralisation des autoritarismes au lendemain des indépendances, Les critères de classification des régimes, Les types de régimes de l’Afrique postcoloniale de 1960 à 1990, L’exercice du pouvoir dans les régimes postcoloniaux, Les grandes caractéristiques communes pendant la période 1960-1990, La société face aux pouvoirs de l’Afrique postcoloniale, Suggérer l'acquisition à votre bibliothèque. © 2021 Copyright RFI - Tous droits réservés. Les régimes pluralistes sont ceux qui ont pu garder des principes de fonctionnement basés sur de hauts degrés de concurrence et de participation politiques. Nic Cheeseman confirme cette lecture et rappelle que les techniques coercitives telles que le travail obligatoire, la détention arbitraire et les châtiments corporels pratiqués par le colonisateur ont été largement maintenues sous les régimes autoritaires. Democracy in Africa : successes, failures and the struggle for political reform, par Nic Cheeseman. Comme le remarque René Lefort, le régime socialiste a produit en Éthiopie un véritable basculement à gauche, de sorte que le pays a vécu en quelques mois une transformation si profonde que plus rien n’est plus comme avant. En effet, tel que le montre J. Lagroye, la légitimité est une question qui ne peut pas être réduite à la légalité ou à la « légitimité formelle » des dirigeants et de leurs actes, mais suppose, entre autres, l’acceptation des élites et de la population39. 41 Jacques Lagoye, « La légitimation », p. 398. 21 Parti de la révolution populaire du Bénin, Statuts, Cotonou, 1975, article 8. Jetés en prison, une opportune crise cardiaque vint régler le sort de quatre d’entre eux50. RFI - Actualités, info, news en direct - Radio France Internationale. Ce manque provient en premier lieu de ce que Gérard Conac a appelé une « déficience de légitimité institutionnelle42 ». 5 mars : décret présidentiel n° 3/1960 de Soekarno annonçant la dissolution du parlement indonésien [76]. Au soixantième anniversaire du premier mouvement d’indépendances de l’Afrique, quel bilan peut-on établir de la démocratisation réelle du continent ? L'évolution des femmes en politique. 31De renversement en renversement, les militaires – troisième caractéristique répandue dans ces systèmes – sont devenus dominants dans la vie politique africaine entre 1960 et 1989. Les catégories « régimes militaires », « régimes civils » ou « régimes démocratiques » relèvent de ce type d’approche auquel N. Chazan reproche de confondre les méthodes de changement de régime et leurs résultats. Ce modèle délibératif sera mis à mal par la colonisation et la décolonisation. Le Front de libération national (FLN) en Algérie, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) ou encore le Front de libération du Mozambique (FRELIMO) illustrent bien cette trajectoire. Ensuite, nous tentons de dégager les principales caractéristiques des régimes africains postcoloniaux. Comme un verre grossissant, l’utilisation d’une telle perspective permet de mieux 19 janvier : ratification d’un traité de sécurité et de coopération d’une durée de dix ans entre les États-Unis et le Japon qui met définitivement fin à l’occupation du Japon par l’armée américaine [75]. 4. ), The Precarious Balance, p. 121-148. En effet, grosso modo, une corrélation forte existe entre le mode de décolonisation et la nature des régimes qui ont immédiatement été installés. Seule l’Érythrée ne vote pas » rappelle le diplomate. En témoigne l'évolution en dents de scie du Produit intérieur brut (PIB) par habitant en dollars constants: 1.112 USD en 1960, 1.531 en 1974, 1.166 en 1994 et 1.657 en 2018 (BM). «  La démocratisation par l’élection », qui fut le principal acquis des mobilisations des forces pro-démocratiques au début des années 1990, montre ses limites, avec notamment l’instrumentalisation des scrutins par les gouvernements en place. L’exercice du pouvoir en Afrique postcoloniale. Ici, l’accès aux postes et aux richesses de l’État est octroyé sélectivement aux clients du régime. Les premiers voient le Burkina comme un régime populiste alors que les seconds en font une oligarchie militaire. 3 – Last but not least, on constate une véritable aspiration populaire pour la démocratie en Afrique aujourd’hui. En effet, d’une part, l’introduction du parti unique, la suppression de la séparation des pouvoirs et la mainmise sur l’ensemble de l’appareil étatique étaient présentées comme la meilleure façon de faire le développement. Du désordre comme instrument politique, Paris, Économica, 1999, p. 89. 20Le marxisme-léninisme a souvent été en Afrique une simple façade destinée à justifier l’embrigadement découlant de la volonté totalisante de tout régime qui s’en réclame et à attirer les faveurs du bloc soviétique en ces temps de Guerre froide. 36La capacité à distribuer des récompenses – usage des ressources rétributives – fait partie des ressources à la disposition du politicien investisseur qui peut d’autant l’activer qu’en tant que chef néopatrimonial, il gère l’État comme une propriété personnelle. En l’espace de quelques années, l’Afrique subsaharienne est divisée entre les puissances occidentales. Seuls cinq pays ont réussi à sauvegarder des institutions et des pratiques pluralistes sur cette période : le Sénégal, l’île Maurice, la Gambie, le Botswana et le Zimbabwe. En revanche, les autoritarismes modérés, dont l’auteur dit qu’ils ont été les cas les plus fréquents, laissent une certaine marge à la société civile et recourent plus modérément à la violence. Le professeur britannique Nic Cheeseman abonde dans ce sens, qualifiant l’Afrique de « continent remarquablement divisé », avec « presque autant de démocraties défectueuses (15) que de régimes autocratiques (16) parmi les 54 États du continent ». 28Le problème de la légitimité a été une donnée constante dans les régimes politiques africains et le demeure encore en dépit des efforts de démocratisation. 59 Jean-François Bayart, « Les sociétés africaines face à l’État », Pouvoirs, no 25, 1983. On soigne l’image du pouvoir par ce qui apparaît comme une forme de socialisation secondaire destinée à créer ce que La Boétie ou Edelman ont déjà vu, à savoir une accoutumance de la population (ou des cibles, selon l’expression de Mbembé) à leur domination. 4Là où la décolonisation a été précédée d’une guerre de libération nationale, comme en Algérie, en Angola, au Mozambique, au Cap-Vert et en Guinée-Bissau, les régimes qui ont émergé ont généralement été institués par le groupe armé qui avait réussi à se présenter comme le principal adversaire de la puissance coloniale. 47 Robert Dahl, cité par Jean-Patrice Lacam, « Le politicien investisseur : un modèle d’interprétation de la gestion des ressources politiques », Revue française de science politique, vol. Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1965, Joseph-Désiré Mobutu est resté 32 ans à la tête de la République démocratique du Congo (anciennement le Zaïre). Les instances de participation sont supprimées et les opposants réduits au silence. La dérision consiste à rire du pouvoir, à tourner en ridicule les slogans officiels destinés à produire du sens comme on l’a vu plus haut ; à démystifier les chefs d’État, en leur collant des sobriquets… bref, C. Toulabor montre que la dérision est une forme de « braconnage politique » et qu’elle joue, entre autres, sur l’équivoque.