Alors que Appiah se confronte directement à la pensée kantienne, la reconstruit et tente de la dépasser pour défendre l’idée d’une communauté « biologique » de tout homme 28, Mbembe tente d’ouvrir ladite pensée africaine à une dimension plus large, plus cosmopolitique. POL4483-10 POUVOIR ET POLITIQUE EN AFRIQUE Plan de cours RESPONSABLE DU COURS Nom Issiaka Mandé Local A-3665 Téléphone 514-987 3000 # 2921 Disponibilités Sur rendez-vous par courriel Courriel mande.issiaka@uqam.ca Revue française de science politique Plus précisément, il s’agit de l’intégrité corporelle, condition de la capacité d’action, de réflexion et de tout ce qui touche l’être humain en tant qu’animal rationnel, social et politique 7. En plus d’essentialiser les cultures africaines et occidentales dans leur ensemble, elles ne prennent pas en considération, premièrement, le fait que le lieu d’émer­gence d’une idée ne dit rien sur la portée de la validité de cette idée. 49 4 minutes de lecture. 16 « À propos des écritures africaines de soi », Politique africaine, op. L’Afrique en questions La politique de l’Arabie Saoudite en Afrique… Benjamin Augé 4 52 Djibouti. Il remettrait en question l’unité de la pensée africaine déclarée par la pensée africaine elle-même et serait châtié de sa témérité. Il serait d’ail­leurs incompréhensible de choisir autre chose que la liberté. 12 Comme Kwame N’Krumah, Blyden a écrit plusieurs ouvrages peu connus. Il ne reste que les droits égaux et les libertés égales pour légitimer l’État africain postcolonial. No. 15 On lira, pour s’en convaincre, Oliver Le Cour Grandmaison, Coloniser, exterminer. 38Le choix de la liberté et de l’égalité est un choix politique. 1 Nous utilisons ici le terme postcolonial dans un sens historique et politique. On a plutôt l’impression du contraire du moins dans le cas de certains pays. Ils préféreront vivre sans domination plutôt que de vivre sous le joug d’un État colonial et postcolonial illégitime. 45Affirmer que les sociétés africaines étaient, de fait, démocratiques et que le régime colonial n’en a pas tenu compte constitue à nos yeux une thèse difficile à accepter. Le préambule en donne la confirmation : Les États membres de l’Organisation de l’unité africaine « tenant compte des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leur réflexions sur la conception des droits de l’homme et des peuples et reconnaissant que, d’une part, les droits de l’homme sont des attributs de la personne, ce qui justifie leur protection internationale et que, d’autre part, la réalité et le respect des droits du peuple doivent nécessairement garantir les droits de l’homme (…) sont convenus de ce qui suit ». Seulement, il y est parvenu en se référant à des textes de grands auteurs, parfois même à de grandes figures républicaines françaises, défenseures de la liberté et de l’égalité, mais uniquement quand il s’agit de L’Europe et des Européens. citée, Paris, 2004, p. 7 et p. 23-24. En ce sens, le choix des principes correspond à une situation de liberté qui permet, dans un second moment, une renégociation des termes d’un vivre-ensemble. Et l’on s’étonne que des Africains viennent chercher l’asile – et parfois l’asile politique, dans le monde égoïste, compétitif dont on veut éviter les travers : en Europe ou dans les pays occidentaux. Il y a pire : soutenir que certains éléments constitutifs des cultures africaines peuvent se retrouver en dehors de l’Afrique et remettre en cause la spécificité supposée africaine d’éléments culturels ou anthropologiques communs répandus dans d’autres cultures humaines, c’est déjà porter atteinte à la thèse de la spécificité des cultures africaines et de leur grandeur. Comme le note A. en se référant à J.-F. Bayart : « l’idée communément répandue est qu’en Afrique subsaharienne l’État n’aura été qu’une simple structure imposée par la violence, à des sociétés qui lui étaient non seulement extérieures, mais aussi hostiles. Certes, un grand nombre de de communautés aux structures de pouvoir fort éclaté en firent d’abord l’expérience dans le contexte colonial. URL : http://journals.openedition.org/leportique/3069. Aussi harmonieuse que soit une communauté, on ne peut jamais en exclure la possibilité de violation des droits humains, la possibilité de briser des projets de vie les plus légitimes et la vie elle-même. Sur la guerre et l’État colonial. Newsletter Recevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail Je m'abonne 53La fonction de la Charte des droits de l’homme apparaît plus clairement dans toute son originalité, sa singularité : protéger les cultures africaines de la contamination par des valeurs de la culture occidentale, les orienter vers leur devenir. Liberia’s Offering: Being Addresses, Sermons, etc. The reference and significance of the references to the hightest level of human community suggest the understanding and conviction that all human beings, irrespective of their local communities, are also members of a single large human community » 30. AFRIQUE DU SUD: POUVOIR, POLITIQUE. 1 Nous utilisons ici le terme postcolonial dans un sens historique et politique. Écoutons-le en guise de conclusion : « Je ne m’enterre pas dans un particularisme étroit. Elles se divisent, grosso modo, en deux groupes : celles qui sont d’obédience empiriques et celles qui sont normatives. Aux politiques qui se sont empressés de prendre la place du colon, opérant ainsi le changement du personnel, n’a succédé qu’un discours de l’africanité paradoxalement tourné vers le passé et extraverti tout à la fois, écrit pour le colon d’hier, commode pour l’État postcolonial et la plupart du temps orienté vers le passé ou remettant en cause avec raison le discours ethno philosophique là où il ne reproche pas à d’autres penseurs africains de ne tenir qu’un discours occidental. (2010) ; Niklas Luhmann. Nothing but equal rights and equal freedoms can legitimate the African postcolonial state. 26 Rappelons que l’article 2 stipule : « Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». Une philosophie politique, dans le contexte africain où l’État moderne est une institution coloniale qui, même si on tenait compte de tous ses acteurs locaux et non locaux de son émergence, demeure, dans sa forme, une institution qui s’est substituée à des ordres politiques existant et non à l’anarchie, doit poser la question autrement. La poser signifie dépasser la simple description répétée de ses dysfonctionnements, de la déstabilisation des sociétés africaines et des sources de violences que l’État constitue, pour énoncer les conditions indispensables à son réaménagement en vue de son maintien comme régime politique. Ne reste que les droits égaux et les libertés égales pour légitimer l’État africain postcolonial. Ces mêmes penseurs peuvent vous dire en quoi les droits de l’homme ont modifié les cultures occidentales elles-mêmes et même des dogmes religieux d’un occident qui se dit chrétien. Cette question se formule dans les termes de ce qui a caractérisé les trois grands moments de l’échec des Africains face à l’exigence de l’affirmation de leur liberté. Jusqu’à quel point toute forme de délibération consensuelle est-elle une démocratie ? 55Fort heureusement, il y a une minorité de voix qui prend ses distances et critique ce qu’il faut bien appeler un « cartésianisme communautariste » qui conclut de l’affirmation « je suis » à l’existences des autres : « nous sommes » et infère du « je pense », « nous pensons » ou, mieux encore, « nous pensons en tant qu’Africains X , donc je pense en tant qu’Africain X », où X est la pensée africaine ou un de ses éléments. Auquel cas, le conseil délibératif de la palabre ne serait pas une délibération entre des personnes libres et égales, mais obéirait à un principe gérontocratique. 20 Nous renvoyons ici à l’excellent article de Pieter Boele van Hensbroek, « Le « tournant démocratique » dans la philosophie africaine contemporaine », in Critique, tome LXVII, 2011, p. 650-663 qui présente le débat africain sur la démocratie de façon très synthétique. La postcolonie, c’est la poursuite de l’histoire coloniale par des moyens plus sûrs parce que peu contestés : la fiction culturelle inoculée comme un venin qui a paralysé des générations entières. cit., p. 64-65. Revue de philosophie et de sciences humaines. 37Par conséquent, le choix de la liberté et de l’égalité, dans ces conditions, est un choix qui a trois importantes significations : c’est un choix politique, 2) qui « dé-racialise » en la complétant l’idée panafricaine d’émancipation et 3) libère la pensée africaine du carcan identitaire et de l’usurpation du pouvoir politique. 46Les deux premières positions manquent de profondeur historique et anthropologique. L’alinéa 7 de l’article 29 stipule que : l’individu a le devoir « de veiller dans ces relations avec la société à la préservation et aux renforcements des valeurs culturelles africaines positives dans un esprit de tolérance, de dialogue et de concertation et de façon générale de contribuer à la santé morale de la société (sic) ». On voit mal comment leur adoption pourrait bousculer, voire révolutionner, comme par un coup de baguette magique, toutes les mœurs et toutes les valeurs, tout l’univers symbolique des sociétés africaines. En fait le « pouvoir … Cela signifie également que toutes les images que le colonisateur se faisait du colonisé, l’exacte opposé de ces images ainsi que toutes les tentatives ethno philosophiques ou autres de définir l’Africain, doivent être rejetées. Comment identifier ces institutions et en quoi sont-elles démocratiques dans le sens d’une démocratie avec des droits égaux et des libertés égales dont nous disions que les Africains les auraient choisis ? Pour une discussion du concept de postcolonial lui-même, il existe une abondante littérature, voir Stuart Hall, Identités et cultures. 21 Voir pour cela, Souleymane Bachir Diagne, « Philosophie africaine et Charte africaine des droits de l’homme », in Critique, tome LXVII, Op. Si l’on veut, c’est une herméneutique à la fois située, mais à portée universelle. C’est davantage façonner son histoire que la subir et en même temps déterminer le cadre dans lequel l’état postcolonial est né. L’histoire et l’univers symbolique de chaque pays étant différents au sein de l’Afrique elle-même, il n’y a pas de raison que les démocraties africaines ne se distinguent des démocraties occidentales, à condition que les principes démocratiques et constitutionnalistes aient la préséance. Les conséquences des définitions occidentales de l’Afrique. Aucune de ses formulations ne peut servir de base à la question de la légitimité de l’État postcolonial. 40Peu de gens apprécieraient l’esclavage, la soumission ou la servitude, même au nom du développement social et économique, même au nom des dites valeurs africaines pour lesquelles ils préféreront vivre libres plutôt que mourir. Soit. C’est une domination de fait et en tout cas illégitime. Il contribue à soulever une question très largement discutée, non seulement parmi les philosophes, mais par tous ceux qui se préoccupent des questions politiques en Afrique : la question de la démocratie et des droits de l’homme. Gray, 1862; Christianity, Islam and the Negro Race, London, W. B. Whittingham & Co., 1887 ; 1888 ; University of Edinburgh Press, 1967 ; reprint of 1888 edition, Baltimore, Maryland: Black Classic Press, 1994 ; African Life and Customs, London, C. M. Phillips, 1908 ; reprint Baltimore, Maryland: Black Classic Press, 1994 ; West Africa Before Europe: and Other Addresses, 1901 et 1903, London, C. M. Phillips, 1905. La plongée archéologique dans le passé des valeurs africaines, réplique aux préjugés coloniaux, n’avait pas seulement fait la part belle à l’État postcolonial ; elle lui a, en plus, permis de se développer en toute quiétude. 14L’absence d’ouvrages proprement philosophiques sur l’État en Afrique Noire a été déplorée. 12C’est cette intuition fondamentale du choix des principes de liberté et d’égalité, auquel priorité sera accordée sur tout autre choix, que nous voudrions articuler dans les lignes qui suivent. Ayant en mémoire le vécu ou les récits de l’expérience coloniale, sachant ce que l’État colonial allait devenir et conscients du cul-de-sac de ladite pensée africaine actuelle, qu’auraient choisi les Africains comme principes de régulations des institutions politiques de base de l’Afrique moderne ? Le pouvoir selon le dictionnaire Robert est : « la capacité ou les moyens dont dispose un individu [dans notre contexte les femmes] pour faire quelque chose, accomplir une action » sur les plans économique, social et politique. Mais, contrairement à ce que l’on pense, le libéralisme politique ne désigne qu’un cadre qui est largement compatible avec beaucoup de formes de vie et de systèmes économiques, même socialistes. Amoako Boafo a d’ailleurs vendu un portrait de 2m de haut «Baba Diop» à 1 million 100 dollars, lors d’une vente aux enchères chez Christie’s. Sans la liberté et l’égalité, on ne peut disposer de soi-même. On comprend mal comment des spécialistes peuvent vouloir expliquer et défendre l’obligation faite à l’individu de suivre ce qui n’existe pas : les valeurs de la culture africaine 27. Aussi bien d’un point de vue anthropologique qu’historique, cette première position est tout simplement inacceptable et donc sans intérêt. Il peut se formuler ainsi : la démocratie existe en Afrique, mais elle est différente parce que la ou les culture(s) africaine(s) est (sont) différentes. Aussi longtemps que les affirmations de la « négritude » de « African Personality », de « l’antériorité des cultures nègres » ou des « socialismes africains », etc., sont avancées pour attester la grande contribution de l’humanité africaine à la culture planétaire et que l’unité culturelle de l’Afrique est affirmée comme dogme, l’essentiel du discours politique est accompli ; seul manque le « développement » que l’État postcolonial s’assigne comme tâche primordiale, tâche qui justifie tout, même la suppression des droits humains. C’est pourquoi la philosophie politique, dans le contexte africain, doit poser cette question fondamentale, à savoir si doit être maintenu l’État dont la structure de base, et non les processus de consolidation, demeure un héritage colonial. Sciences Po University Press publishes the most advanced research thus contributing to current debate in both the public and private sectors: geopolitics, International relations, globalization and governance, political science, societal changes, economics, 20th century history and health. Bien avant toutes les meilleures promesses de développement économique et culturel et de mieux-être, ils préféreraient les deux principes de liberté et d’égalité. Cette définition empirique se distingue des critères qui rendent a priori légitime l’exercice d’un pouvoir. Nous étions en 1982 et les choses n’ont guère changé. 48Encore faut-il qu’elle prenne en considération les problèmes épistémologiques que pose une telle démarche. "Dans la vie comme en politique, je n'écarte rien", déclarait-il en décembre 2018 avant de céder le pouvoir. Rien que le passage du pouvoir colonial au postcolonial aurait pu constituer un dossier important des écrits sur la décolonisation et enrichir la mémoire collective. C’est pourquoi, en tant que pensée de la défaite, la pensée panafricaine et toutes les philosophies de l’identité africaines ne peuvent plus servir à l’énonciation de l’identité culturelle africaine, encore moins de base à la question de la légitimité de l’État postcolonial. Donc, ce n’est pas l’absence de cette approche descriptive que nous regrettons, mais celle de la légitimation qui est une question de philosophie politique. 32Il est vrai que dans les conditions d’extrême pauvreté et dénuement, notre réflexion découvre bien vite ses limites. À l’exception de la démocratie grecque, réservée seulement à quelques-uns, aux citoyens, la démocratie fondée sur la liberté et l’égalité de tout être humain, est une invention moderne et coïncide de façon emblématique, avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cette concentration sur des éléments qui n’étaient plus disponibles dans leur pureté, ne pouvait qu’arranger l’État moderne, issu de la colonisation, dont la légitimité n’a jamais été considérée, en Afrique, comme une thématique digne de la philosophie. Il empêche que soient reconduites comme allant de soi les fonctions de l’État colonial sous la forme de l’État postcolonial qui se fait instrument de développement, instrument de défense d’une culture africaine inexistante, d’une identité culturelle à créer. 18Si le colonialisme est condamnable, accepter et assumer tacitement son héritage, l’État moderne africain, sans le questionner, l’est tout autant. C’est au nom de la liberté et de l’égalité que se légitimait le combat contre la colonisation, contre toutes les formes du néo-colonialisme, que bon nombre d’Africains ont été emprisonnés, torturés, ont pris la route de l’exil et quelquefois perdu leur vie, et avant cela, leur projet de vie. C’est bien loin de la réalité historique d’affirmer que l’État africain n’est qu’un pur produit d’importation. ), A Companion to Postcolonial Studies, 2005, Blackwell, Londres, p. 1-161. 5 Yves PERSON, Etat et nation en Afrique noire, Congrès de Kinshasa, A.C.C.T., 1978, p.66. Quant à la dernière position, la plus intéressante, elle accepte la nécessité d’une société démocratique, voire la possibilité de la démocratisation ; seulement, elle la soupçonne d’inadaptation aux réalités politiques africaines. Notre contribution voudrait s’attaquer de front à ces manquements. Il est bien entendu que ces positions représentent des types idéaux 20. Wiredu parle de la culture Akan dont la sagesse peut informer la démocratie. La dénomination « Charte … des peuples » énonce déjà cette volonté de se singulariser 23. Elle mérite d’être nuancée, voire clarifiée. Le pouvoir politique en Afrique: Pourquoi est-il si difficile de renoncer au pouvoir? (2017) ; Kant et les penseurs de langue anglaise (Éd., avec Mai Lequan et Sophie Grapotte) (2017). Légitimer l’État signifie que, en se référant à leur histoire, les Africains ne reconnaîtront que les dirigeants qu’ils auront choisis librement d’après des règles qu’ils se seront données eux-mêmes et acceptées par tous ; des dirigeants capables d’assurer la gestion des affaires politiques conformément aux droits de la personne et du citoyen. C’est bien loin de la réalité historique d’affirmer que l’État africain n’est qu’un pur produit d’importation. Échec également à reconnaître les conséquences de leurs conflits et à en rejeter l’entière responsabilité sur le colonisateur. Or, selon une division classique élémentaire, la philosophie se compose de deux champs différents : la philosophie théorique, d’une part, et la philosophie pratique, de l’autre. Ils appellent à se remplir de contenus qui ne peuvent provenir que de la culture ambiante quotidienne. Les publications en sciences politiques sont abondantes et contiennent des études sur le rôle de l’armée, la corruption, la nature de l’État africain. À l’instar des droits, ceux-ci devront être dûment prévus par le droit interne des États – lois ou règlements – ou, le cas échéant, par les dispositions de la Charte Africaine. De cette petite minorité, nous pourrons mentionner Bachir Souleymane, Achille Mbembe, Anthony Appiah et Kwame Gyekye ou Kwasi Wiredu, tous des auteurs qui insistent sur la référence à l’individu comme un moment essentiel dans la pensée politique, voire cosmopolitique s’agissant de Appiah et de Gyekye ou afropolitique pour Mbembe. L’idée panafricaine a émergé des conditions socio-historiques et politiques comme l’esclavage, la colonisation et a contribué à l’émergence de la situation postcoloniale, trois événements historiques qui ont profondément marqué l’histoire du continent les deux cents dernières années et dont les Africains ont été co-auteurs, collaborateurs et victimes à la fois. Depuis que le vent de la démocratie a soufflé sur le continent africain en particulier dans les années 90, l’on a pensé voir disparaître la confiscation du pouvoir politique d’État par une personne ou un groupe de personnes, la fin du règne des Pères fondateurs et voir enfin prendre naissance l’alternance politique. Comme le formule Niklas Luhmann à la suite de Max Weber, la légitimité étudie pourquoi des individus, rationnels par ailleurs, se soumettent à l’autorité de tel ou tel pouvoir. démocratiques occidentaux importés en Afrique, de redéfinir un modèle politique « à l'africaine », qui tienne compte des composantes des sociétés africaines. », Le Portique [Online], 39-40 | 2017, document 1, Online since 20 January 2019, connection on 10 January 2021. Publiée par les éditions Karthala, Politique africaine est une revue, à comité de lecture, pluridisciplinaire d’analyse du politique en Afrique. The collections of Sciences Po university press, are intended for faculty members, students and the public at large. Pour ne prendre que deux exemples au hasard, Une Couronne pour Udomo (Paris, Stock, 1958) de Peter Abrahams posait déjà le problème de l’État africain et en décrit déjà certains aspects bien avant les indépendances. "Dans la vie comme en politique, je n'écarte rien", déclarait-il en décembre 2018 avant de céder le pouvoir. D’un point de vue universel, la colonisation et de nombreuses situations de la postcolonialité, sont condamnables. Mais eux aussi souffraient de la tache aveugle, de cette cécité, qui fait de l’histoire politique africaine un récit manichéen. Se réclamer de ces discours qui se disent « pensée africaine », c’est répéter les erreurs du passé ou s’installer définitivement dans l’immobilisme d’une identité négative, c’est accepter la défaite de tout un continent, sa victimisation, et surtout le refoulement de de ses actes pour n’avoir pas reconnu et assumé sa responsabilité devant l’histoire de l’esclavage, de la colonisation et du postcolonialisme. Notre esquisse ne se veut pas nécessairement un projet africain. Cependant, la question de la légitimité du pouvoir n’a nullement la prétention d’esquisser une théorie générale de l’État, c’est-à-dire une théorie politique complète. DANS LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE. Rappelons que le sous-titre de l’ouvrage est : Philosophy and Ideology for De-colo­nization. L’expérience de cet arbitraire suffit largement pour justifier le choix de la liberté et de ce qui la rend possible : l’égalité. I would say, for example, that it is shaped by the more than 99 percent of our genes that we all share, by the fact that our closest common ancestor may have lived a little more than a hundred thousand years ago », Kwame Anthony Appiah, The Ethics of Identity, Princeton, Princeton University Press, 2007, p. 252. Ceux qui incarnent le pouvoir politique en Afrique sont comme des masques à plusieurs visages. 51La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981) reflète sans aucun doute ce qu’il convient d’appeler la pensée africaine, la philosophie africaine, qui pour une grande part, consiste à énoncer ce qu’est l’Africain. Mais il se peut que, selon la pensée africaine, les personnes individuelles n’existent pas non plus. Les incohérences de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples illustre bien cette défaite qui, d’une certaine manière, repose sur une métaphysique essentialiste et de l’enfermement culturel. L’alternance est piégée aux petits jeux de révisions interminables de la Constitution. 16Mais alors, si la question de la légitimité de l’État postcolonial s’impose, en quel termes la formuler et pourquoi est-ce que ce serait les principes de liberté et d’égalité que les Africains choisiraient comme base de leurs institutions publiques ? Comme l’écrit un commentateur de la Charte : « les auteurs de la Charte ont voulu éviter l’individualisme forcené, l’irresponsabilité et l’égoïsme qui menacent les sociétés africaines contemporaines. 11De la légitimité, nous disposons de plusieurs théories. Refus qui se poursuit sous la postcolonie. Le parti au pouvoir en Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC), se réunit à partir de samedi pour élire le remplaçant du très controversé Zuma. Dans ces conditions, qui sont aussi celles du pluralisme politique moderne, la question de la justice politique devient la recherche de principes sur lesquels tous se mettront d’accord – ou à défaut, la majorité – afin d’organiser les institutions de base de la société, pour reprendre une expression de Rawls dans sa Théorie de la justice. 50On le voit clairement, l’univers symbolique, culturel, confère à chaque démocratie vivante et vécue une coloration particulière qui donne à chaque démocratie une culture politique particulière, malgré l’existence des mêmes principes démocratiques. C’est pourquoi, parlant d’Africains, nous pen­sons d’abord et avant tout à la personne humaine individuelle, sous peine de recourir à des définitions essentialistes défendues par les écrivains et orchestrées par des régimes politiques dictatoriaux, prêts à empêcher toute discussion et dont les Africains n’ont que trop souffert. Ces deux principes constituent une condition primordiale pour disposer d’autres biens nécessaires à la vie. Il y a plus : elle lui est venue au secours, consciemment ou non, lui a livré des armes et ceci à deux niveaux : 1) en fournissant, tour à tour, à l’État postcolonial, par son silence, par la diversion parfois, par sa négligence de poser clairement la question de la légitimité, ce dont il avait besoin pour assoir sa violence et 2) peut-être en accordant – quelquefois même à son corps défendant, sous la forme du discours des valeurs culturelles ancestrales africaines, exactement le simulacre de légitimation dont avait grandement besoin cet État. Tout laisse croire que leur accès à la reconnaissance de l’altérité avait encore besoin de temps. Le discours philosophique culturaliste était l’ergothérapie et l’oubli de la politique de l’État postcolonial, le résultat de cette thérapie. La protection de l’individu passe par les droits du peuple (!) 58Il s’agit pour nous de saisir l’histoire africaine dans ses grands moments qui permettent de parler d’une certaine africanité ou identité africaine minimale, qui n’est pas identique à la pensée africaine définie en termes ethno-raciaux, et de poser la question de la légitimité de l’État postcolonial en tenant compte de cette histoire particulière de l’Afrique moderne. 25, Paris, 1982, p. 15. Dès l’ouverture, on relève : (Qu)’il est donc heureux que des intellectuels africains appartenant à des disciplines scientifiques et à des courants de pensée différents, se décident enfin à réfléchir ensemble et à échanger des idées sur la problématique de l’État en Afrique Noire 10. C’est perdre sa dignité d’homme, dirait Rousseau. C’est ce qu’indiquent ces ouvrages dont les titres se passent de commentaires. Si l'on en croit Alain, les hommes libres « savent bien que tout pouvoir abuse et abusera » (politique, LXVII).