Après avoir quitté son Timmins natal puis passé du temps à Toronto, l’homme invisible aboutit au Québec, où il « falls in love in French » (Desbiens 2008 [1981] : 26a). Qu’ils le perçoivent ou non comme une menace, le bilinguisme est pour eux une composante, voire une condition de leur identité francophone (voir Poplack 1988 ; Ladouceur 2010 : 193). Ce qui distingue Transfiguration et L’homme invisible/The Invisible Man de tentatives de ce genre est le travail sur la forme même du bilinguisme officiel, c’est-à-dire sa forme traductionnelle. Sherry Simon, à tout le moins, qui a le plus abondamment commenté Transfiguration, établit précautionneusement une telle analogie : « Though Transfiguration avoids explicit political references, it could perhaps be read as a parody of symmetrical bilingualism » (2006 : 140). As one of us would leap into the air, the leap was made in the faith that the other would complete the leap. Bien que la manière dont ces coûts sont estimés ne fasse pas consensus, l’insistance sur leur importance, reprise dans les médias, nourrit l’impression « que les anglophones paient un excès de taxes pour que les francophones puissent jouir de services inutiles », ainsi que l’ironise Edmund A. Aunger (2012 : 6). Ses réflexions des dernières années sur la traduction ludique m’ont permis d’approfondir ma lecture de L’homme invisible/The Invisible Man. Voir Leclerc 2010 : 325, n. 98 ; et Leclerc et Nolette 2014 : 271. Le bilinguisme: définition Idées reçues Les avantages Le bilinguisme: définition Définir le bilinguisme en quelques mots est problématique car tout comme chez les monolingues, le langage des individus bilingues peut avoir différentes caractéristiques. L’Anthologie bilingue de la poésie anglaise couvre treize siècles de création poétique : de Beowulf, l’épopée en anglo-saxon du VIIIe siècle, aux textes de Simon Armitage, né en 1963. Bonjour, j'ai un poème à faire en anglais sur Haarlem pouvez-vous m'aider s'il vous plaît .. Pergunta de ideia deLld23 - Anglais Ce choix ne saurait être innocent : faut-il rappeler la charge symbolique associée à l’alouette en contexte québécois et canadien ? Transfiguration by Jacques Brault and E. D. Blodgett (1998), and L’homme invisible/The Invisible Man by Patrice Desbiens (1981) are located at the crossroad of Canada’s official languages. Dans son heureux redoublement du bilinguisme officiel, l’édition bilingue donne forme au récit de Desbiens, ce qui permet de le faire advenir à la représentation. Le contraste entre les deux types de rapport à la traduction est frappant. Que ces textes se montrent tous deux critiques à l’endroit du bilinguisme officiel semble aller de soi, surtout si on prend en compte le discours social en circulation dans les milieux où frayent les auteurs et le fait qu’ils ont contribué à ce discours. 2012). Bilinguisme officiel, politiques et poétiques traductionnelles, 5. EndNote (version X9.1 et +), Zotero, BIB ! C’est là une distinction dont Sherry Simon souligne les enjeux : [When] translation is […] a benevolent act of generosity towards a friend from distant lands, transactions across languages do not threaten the integrity of either host or receiving culture. Faire de L’homme invisible/The Invisible Man un mémento, c’est en offrir une lecture où la projection idéologique a préséance sur la description. Les moments de rencontre « où le son est le sens », où l’anglais et le français se fondent, ne durent que le temps du « fi-bi » d’une mésange à capuchon noir (Brault in Blodgett et Brault 1998 : 41), et les auteurs sont vite rattrapés par le discours social à l’arrière-plan de leur conversation poétique. À rebours de sa mort, sur le fil de l'eau et du feu, Shelley, révolutionnaire, libertaire, féministe, républicain, idéaliste, enleveur de femmes, athée... déroule ses mots comme de la poudre, en échos politiques, poétiques et incendiaires au-devant du sublime. Both of these texts have been commented upon for their parodies of the symmetrical bilingualism promoted by Canada’s Official Languages Act. Kristiina Abdallah et Kaisa Koskinen, RIS Au Canada, la charge idéologique entourant le bilinguisme anglais-français est immense. La conclusion de son poème montre pourtant que Blodgett n’est pas sourd au symbolisme de l’oiseau – et même qu’il en joue, lui juxtaposant un autre symbole politique canadien : Au pluriel, « solitudes » évoque les deux solitudes rendues célèbres par le romancier Hugh MacLennan (1945), comme si Blodgett avait répondu au cliché de Brault (l’alouette) par un autre cliché (les deux solitudes). traduction poème dans le dictionnaire Francais - Anglais de Reverso, voir aussi 'poêle',poète',posément',potée', conjugaison, expressions idiomatiques Leclerc (2010 : 310-314) analyse cette interprétation relativement au concept de bilinguisme soustractif que les chercheurs travaillant sur les minorités francophones du Canada ont emprunté à la psycholinguistique. Vous y trouverez de nombreux poèmes s'adressant aux petits, parfois lus (rubrique Podcast) ou en vidéo. De tels calques sont fréquents sur la page française de L’homme invisible/The Invisible Man. Il avait 29 ans. Babelio vous suggère, Autres livres de Percy Bysshe Shelley (21), Poèmes : Edition bilingue français-anglais. Catherine En témoigne la campagne publicitaire d’une compagnie de bière, au début des années 2000, dont le slogan était « I am Canadian ». poème en anglais sur l'école You are here: Vignobles Laurent Mazeau-Bergström » Non classé » poème en anglais sur l'école Published on: Tuesday - 29 December 2020 […] De la sorte, nos images [sont] complémentaires, elles partag[ent] une intimité, tout en étant opposées, encore que réconciliées » (Blodgett 2008 : 52)[6]. Or, cette réverbération est annoncée d’emblée (« Les saisons se pilent les unes par-dessus les autres à une vitesse folle »), comme l’est le « clignotement » qu’elle produit[14]. L’absence de hiérarchie recherchée est d’ailleurs le premier aspect du texte à être présenté en note liminaire : A renga is a poem for one-legged dancers. But when two languages mingle relentlessly, […] translation is put to the test » (2006 : 9). As a result, this article’s conclusion calls for a comparatism that, instead of limiting its exploration to the differences between English and French or even their contact zone, concentrates on the different relationships with translation emanating from that very zone. On ne s’étonnera pas, dans ces circonstances, que l’alouette de Brault apparaisse dans un climat où, malgré l’extase qui conclut la strophe, pointe d’abord la dysphorie : Empreinte des connotations négatives de son histoire, l’alouette brûle du fait de la sécheresse de son environnement. Essays in the Canadian Literatures : « binarism in Canada, while it is a violent stasis, masks, in fact, an anglophone hegemony » (1982 : 9). Ce faisant, ils corrigent la loi, la réécrivent. Passer par le renga permet donc à Blodgett et Brault de se rejoindre en terrain neutre et harmonieux. Mais la perturbation la plus importante a lieu ailleurs : bien qu’il y ait redondance partielle entre les versions anglaise et française du texte, les deux ne se redoublent pas entièrement, même sur le plan diégétique. Elle contredit les promesses du bilinguisme officiel, mais elle parodie aussi – la répétition d’un événement définitif démentant nécessairement celui-ci – les affirmations nécrologiques émanant du Québec à l’endroit des communautés francophones des autres provinces[12]. Sous-catégories. Sans doute est-ce à propos de ces traductions que le jury des Prix littéraires du Gouverneur général louait la « virtuosité » et la « précis[ion] » de la langue de Brault[2]. D’un autre côté, le fait que de nombreux éléments discursifs de leur vie quotidienne ne soient accessibles aux francophones que par des formulations créées à partir d’une autre langue préoccupe tant les experts que les locuteurs du français eux-mêmes et contribue à une perception de la traduction comme menace. bilinguisme - traduction français-anglais. Réponse: re:Poème de serena, postée le 2004-08-30 12:53:35 (S | E) kayrol, si on me dit ce poème ( même aujourd'hui ), je crois que je tomberai dans les pommes ! En ce sens, leur lecture conjointe invite à un comparatisme ne portant exclusivement ni sur les imaginaires respectifs de l’anglais et du français au Canada ni même sur une zone frontière entre les deux qu’on imaginerait unifiée, ou uniformément perturbatrice. Le recueil était une collaboration entre les Éditions du Noroît au Québec et les éditions BuschekBooks, sises à Ottawa. Le bilinguisme passif : comprendre une langue sans être capable de la parler. Or, sa première compagne québécoise, malgré la vaste expérience des rencontres qui lui est supposée, est sans repères devant lui : Il y a une rumeur qui dit qu’elle couche avec tout ce qui bouge. +++ Monographie ###Recueils étudiés : L’homme invisible / The Invisible Man (1981) et Poèmes anglais (1988). De la traduction de l’anglais vers le français des documents gouvernementaux, Desbiens renverse la dynamique en plaçant son français sur la page que les codes de l’édition bilingue assignent à la langue source. Il est également littéraire, la littérature québécoise ayant dès les années 1960 fait de l’emploi du français comme langue principale de ses textes le symbole du statut véhiculaire qu’il s’agissait de lui donner à l’échelle de la société (voir Leclerc 2010 : 189). Homi Bhabha (1996 : 54) présente cet espace comme « the contaminated yet connective tissue between cultures – at once the impossibility of culture’s connectedness and the boundary between », qui « introduce[s] into the polarization of liberals and liberationists the sense that the translation of cultures is a complex act […] that generates borderline affects and identifications […] ». symbolisme   D’une tension entre deux espaces sociolinguistiques à la fois séparés et en interaction, il invite à déplacer le regard vers l’hétérogénéité de leurs lieux de rencontre les plus intenses. La lecture des deuxpages est nécessaire à l’appréhension du texte dans sa globalité. En outre, bien que le renga ne soit pas plurilingue par tradition, un exemple occidental célèbre de renga plurilingue (en anglais, espagnol, français et italien), publié chez Gallimard en 1971, sert de précédent à Transfiguration : Renga d’Octavio Paz, Jacques Roubaud, Edoardo Sanguineti et Charles Tomlinson. 13 oct. 2012 - Chansons et poèmes sommaire Anglais cycle III CM1 CM2 Aide à l'enseignement au cycle III fichier audio téléchargement Mais, tout autant, elle en reprend certains éléments, qu’elle transfigure – au sens cette fois où elle les améliore. La formule de l’édition bilingue subit toutefois, dans les deux cas étudiés ici, d’importants réaménagements. Le renga est cette traduction qui permet au poème d’aller ailleurs que dans la seule reproduction, et c’est l’un des sens que les auteurs donnent à leur titre (voir Blodgett 2000 : 17). Les plus célèbres poèmes en anglais La poésie anglaise est inimaginable sans Robert Frost. Dorénavant, les citations d’un seul des côtés de la page double seront suivies de la lettre a pour anglais et f pour français. Dans le passage qui suit, quand la page française reprend en le déformant un vers célèbre de Verlaine, la page anglaise omet d’y faire référence : On a vu plus haut que le faible poids symbolique des cultures d’expression française dans l’univers anglais du récit expliquait de telles omissions de références culturelles – omissions que la double page permet d’exposer et de dénoncer. Portrait de Percy Bysshe Shelley par Alfred Clint, en 1819. En insistant sur les éléments folkloriques associés à la culture canadienne-française, la page anglaise situe la culture canadienne-française dans un temps reculé – révélant par ce « denial of coevalness » (Fabian 1983 : 31) un rapport colonial entre les deux cultures dites fondatrices du Canada. Que le recueil soit avant tout descriptif, qu’il dépeigne le passage des saisons, que son lexique renvoie à la nature (et qu’il y soit question en particulier d’oiseaux[3], de fleurs et de la lune), qu’il célèbre l’amitié et enfin que ces éléments s’entremêlent avec une grande unité de ton sont autant de traits qui relèvent de ces règles (voir Konishi 1975). Le renga est aussi transfiguration au sens où il vise au dépassement de soi dans l’échange avec l’autre. Ils ont tous deux été lus comme des parodies du bilinguisme symétrique promu par la Loi sur les langues officielles du Canada. In the narrow interstice between English and French lies a world as heterogeneous as the two sociolinguitic spaces it both joins and opposes. La seconde remarque est méthodologique et vise à prendre en compte les divergences existant entre deux textes qui font pourtant sensiblement le même exercice. Pour Desbiens, il n’y a pas de lieu sûr où retourner hors de la rencontre des langues. Ces mots, Brault leur procure une adéquation qui garantit le rapprochement avec son interlocuteur, puisqu’il ajoute à leur sujet : « où le son est le sens » (41). L’homme invisible/The Invisible Man, de son côté, met en scène un brouillage entre les catégories prédéfinies : He doesn’t know if he’s going to survive the war. Outre les textes étudiés ici, Two shores/Deux rives de Thuong Vuong-Riddick (1995) est une autre édition bilingue digne d’intérêt de ce point de vue. Pourtant, sur les pages bilingues produites par Blodgett et Brault, chaque poème « original » est à la fois texte source (il est générateur du poème suivant) et texte cible (il est une réponse au poème précédent). Au Québec, la menace que l’anglais dominant représente a pu être contenue par un pacte imposant le français comme langue véhiculaire. Une sélection de poèmes de la catégorie ‘ Maladie ’ du site de poésie poetica.fr En prenant parti pour le français contre l’anglais, Godbout ne sort pas des catégories établies par l’État, qui ne tiennent pas compte de « l’espace tiers » (Bhabha 1994 ; 1996) existant entre les entités qu’elles délimitent[11]. poèmes   Ces règles complexes, Blodgett et Brault ne s’y astreignent pas systématiquement : Brault fait valoir d’entrée de jeu que les poètes suivent ici chacun « sa dictée propre » et qu’ils ne se sont donné « aucune règle préétablie » (Brault in Blodgett et Brault 1998 : 9). Pause-lecture avec la Gouverneur générale [sic] : le Conseil des Arts du Canada annonce les noms des lauréats des Prix littéraires du Gouverneur général de 1999. Dans la même foulée, elles opposent les écrits de leur anthologie à ceux des « two official cultures » (Richmond 1990 : ix), qu’elles présentent comme traditionnellement dominantes (voir Hutcheon 1990 : 2) sans faire de véritable distinction entre elles. Au Canada, le terme a pris une connotation plus particulière : c'est la faculté de communiquer (ou le fait de communiquer) dans les deux langues officielles du Canada, l'anglais et le français. De très nombreux exemples de phrases traduites contenant "sur le poème" – Dictionnaire anglais-français et moteur de recherche de traductions anglaises. C’est le cas de l’auteur de ces lignes, parfaitement capable de comprendre le khmer à l’oral sans pour autant être capable de le parler, de le lire, ou de l’écrire. La distance allait être confirmée dans toute son ampleur par la réception de la coédition au Canada anglais, où le texte de Desbiens passerait quasi inaperçu et où, dans la seule recension publiée, les différences entre les deux versions ne seraient pas relevées (voir Aubert, 1982 : 30 ; Leclerc et Nolette 2014 : 259). Une cagoule noire est placée sur sa tête, et Jalalidin disparaît. Catégorie:Poème anglais. Selon Tadashi Ogawa (2001 : 263) : « The essential basics of renga lie in both self-abandonment and the participation in za, which is “the opening place” belonging neither to one’s self nor to that of the others. Il est cette fois pleinement parodique puisque la symétrie se fait ici railleuse : elle est visiblement employée pour être dénoncée – dénonciation qui a été dûment notée par la critique. Pourtant, son texte s’écarte des conventions propres aux éditions bilingues encore plus intensément que celui de Blodgett et Brault. Ainsi la page française est-elle perméable à l’anglais alors que l’inverse n’est pas vrai. En relisant le poème d'AbrahaMosem sKlei n intitul «é The Rocking Chair », qui donne son … L’auteure d’origine vietnamienne et établie en Colombie-Britannique présente un recueil de poèmes autobiographiques qu’elle formule dans les deux langues officielles. Ces connotations négatives, Blodgett – dont les images sont généralement moins sombres que celles de Brault (voir Blodgett 2007 : 53) – les atténue d’abord. Par exemple, c’est à Brault qu’est due, dès son premier poème, l’introduction d’oiseaux dans le recueil (voir Blodgett 2000 : 17). Il s’intéresse autant au cadre commun que le bilinguisme officiel leur procure qu’aux manières, divergentes, dont il s’en démarque. ainsi que des exemples d'expressions ou phrases employant le mot Blodgett le signale dans son commentaire sur son activité traductionnelle dans Transfiguration : ce passage est « one of the rare moments in the book in which the character of our relationship was raised » (2000 : 20). Dix-sept ans plus tard, en 1998, paraissait Transfiguration, coécrit par le Québécois Jacques Brault et l’Albertain E. D. Blodgett. Poème d’amitié en anglais L’amitié est l’un des plus grands trésors de la vie. it was a late dark night and we had a stupid fight. Toutefois, par le jeu des influences inégales d’une langue à l’autre, il opère aussitôt un nouveau renversement, qui suggère la difficulté qu’a le français ontarien à occuper cette position. En 1977, dans « Sur la traduction de la poésie », il réitérait sa conviction du potentiel de la traduction comme « reculturation vivifiante » et « véritable odyssée désaliénante » pour les poètes francophones du Québec (voir Brault 1989 : 213). One day something changed I’m not sure what it was. Dans son ignorance, ce personnage du nom de Pauline n’est pas si différent de Blodgett, dont la dénonciation du bilinguisme officiel réduisait celui-ci à une relation « Canadian-Québécois » (1982 : 32). Chassé du Royaume-Uni pour ses écrits et ses mœurs, aussi sulfureux les uns que les autres et après avoir enlevé sa très consentante future jeune épouse Mary Shelley, qui sera l'auteure, à 18 ans, du fameux “Frankenstein”, Shelley s'embrase et noircit des pages jusqu'au vertige. Rejoignez Babelio pour découvrir vos prochaines lectures. Ce clignotement évoqué par Desbiens, Paré (1994 : 20-21) s’en sert pour décrire une dialectique d’apparitions et de disparitions identitaires qui serait propre à la culture et à la littérature franco-ontariennes. C’est seulement après cette divergence que les deux versions se rejoignent, dans une harmonie à la fois thématique et formelle qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans le texte, et qui suggère une transfiguration momentanée de la dénonciation : En guise de conclusion, j’aimerais offrir deux remarques. Victimes de l’inégalité des univers où ils sont transposés, ils servent moins d’influence qu’ils ne reçoivent celle de la culture anglo-américaine : À un Rimbaud rétrogradé fait face Audie Murphy, héros de guerre, vedette de cinéma et idole de l’homme invisible enfant. Certes, les minorités postcoloniales que Bhabha situe dans l’espace tiers sont rarement, tel l’homme invisible, des sujets caucasiens établis de longue date dans un territoire. Ce que la critique a surtout relevé dans cette oeuvre copieusement commentée, c’est l’imaginaire de la perte dont elle est imprégnée. Dans Transfiguration, les lignes de démarcation – entre les poètes, entre leurs langues, entre original et traduction – s’estompent peu à peu dans l’avènement de l’oeuvre commune, à laquelle Brault et Blodgett contribuent de manière égale. Or, si, comme son nom l’indique et comme sa forme le suggère, Transfiguration met l’accent sur un potentiel de transformation heureuse, cette transformation s’accomplit ici tout en douceur. Nicole Nolette, durant ses études doctorales sous ma supervision, a rassemblé certaines ressources bibliographiques pour la préparation du présent article. Pour la plupart de ses mentions d’oiseaux, Blodgett emploie tel qu’attendu le pronom neutre « it ». Le discours sur, dans leur cas, est aussi un discours par. Les coquelicots sauvages commençaient déjà à fleurir à travers les croix de bois placées sur les tombes, ce qui l’a inspiré à écrire le poème In Flanders Fields le jour suivant. Lorsque Blodgett demande : « are we agreed on this my friend » (in Blodgett et Brault 1998 : 40 ; voir aussi exemple 1), il esquisse un terrain commun avec son correspondant, mais soulève en même temps un doute quant à l’étendue de ce terrain. À la symétrie du bilinguisme officiel, Blodgett et Brault ajoutent donc un corollaire qui en change la donne : la transfiguration réciproque. drame   Ils apparaissent – tels « fortunément » et « infortunément » (Desbiens 2008 : 17f) – même dans des passages qui n’ont pas d’équivalents sur la page anglaise. Shelley est bien le poète des éléments célébré par Bachelard, l'Orphée à la voix merveilleuse, l'amant extatique aux attentes parfois déçues, le créateur de mythes qui réenchantent l'univers. Surtout existentiel aux yeux des critiques franco-ontariens, le sentiment d’anéantissement qui ressort du texte de Desbiens devient argument politique chez Godbout : Ceux qui ressentent un pincement de coeur à la chanson de [Gilles] Vigneault sur la Louisiane auront mal jusqu’aux tripes à lire The Invisible Man. En même temps, à l’intérieur de cet interstice, les deux textes occupent des positions radicalement différentes. Je les prie simplement de m'en informer au préalable, sans porter plainte auprès de YouTube : le dialogue est toujours une vertu.) S’il peut être nommé sur la page française, son statut de Franco-Ontarien n’est pas toujours perçu par les Québécois qu’il rencontre. Dans un mouvement inverse, l’enrichissement que se promettent Blodgett et Brault affleure au travers des enjeux diglossiques de L’homme invisible/The Invisible Man. L’opposition est plutôt à une « symétrisation » où la symétrie serait mimée sans qu’il y ait échange véritable. Néanmoins, plusieurs des composantes de l’univers de Transfiguration – à distance de la vie en société, et à fortiori des questions d’actualité sur le contact des langues officielles au Canada – peuvent être rattachées aux règles du renga. Pour le dire dans les termes de Charlotte Melançon, Transfiguration appartient donc « à un genre culturel étranger » (2000 : 11), dans le temps comme dans l’espace. Dans L’homme invisible/The Invisible Man (voir annexe 2), Patrice Desbiens occupe à lui seul tout l’espace de la page double. Blodgett et Brault mêlent leurs voix, voire les fusionnent à l’occasion d’un acte poétique ; mais ils continuent de bénéficier à la fois de la confiance que procure l’amitié et de la distance, entre l’Alberta et le Québec, de leurs contrées somme toute éloignées. Dans ce contexte, la traduction acquiert à la fois une importance considérable et des connotations négatives. En même temps, lues dans une perspective traductionnelles, les saisons ne se relaient plus mais se réverbèrent les unes sur les autres. littérature   La prise en compte de différentes pratiques littéraires traductionnelles illustrant différents rapports à la traduction, à l’intérieur du cadre que fournit le bilinguisme officiel canadien, me semble constituer un premier pas en ce sens[15]. Ces multiples trajectoires de lecture possibles font écho à la démarche des auteurs, que Brault qualifie dans son texte liminaire « d’écriture oblique du poème », faisant signe à son vis-à-vis (Brault in Brault et Blodgett 1998 : 9). Or, comme la création de tels documents s’effectue le plus souvent dans la langue de la majorité, c’est de l’anglais vers le français qu’ont lieu la plupart des traductions (voir Blodgett 1982 : 29-30 ; Juel 1999 : 239 ; Taravella 2011 : 4). Citons quelques exemples classiques : Emily Dickinson, Poésies complètes, traduit par Françoise Delphy (Flammarion) ; Paris, d’E. Dans sa traduction, il évoque l’élévation de l’alouette par son choix de prépositions : Dans le trio des prépositions « au », « sous » et « sur » retenues par Brault, il introduit une progression graduelle : « under », « in », « upon »[13]. Pas étonnant que l’homme invisible ait deux langues maternelles sur la page française et une seule – l’anglais – sur l’anglaise (voir Desbiens 2008 [1981] : 39). Sur ce point, la combinaison de formes de traduction métaphorique et pratique, de même que l’alternance des rôles d’auteur et de traducteur entre les poètes, remplissent une fonction essentielle. Le lien avec le bilinguisme officiel n’est pas explicite dans le texte de Blodgett et Brault. anglais. Avec Transfiguration, les deux poètes créent précisément l’univers d’échanges réciproques dont ils affirment qu’il est difficilement envisageable dans l’espace sociopolitique où la Loi sur les langues officielles est appliquée. À l’accomplissement de ce potentiel, il émettait toutefois une importante condition : « Pour arriver à cette circulation des poèmes québécois dans le monde et des poèmes étrangers au Québec, il faut cependant dissiper la croyance fumeuse au biculturalisme institutionnalisé, monstre politique qui trimbale, attachée à sa queue, la casserole du bilinguisme officiel » (1989 : 213). Les textes littéraires sur lesquels le présent article se penche sont deux oeuvres aux poétiques résolument traductionnelles, qui prennent pour point de départ la symétrie caractéristique de la traduction de documents officiels entre l’anglais et le français au Canada et qui exploitent son potentiel de symbolisation. poésie   Les deux textes exemplifient le second cas mentionné par Simon, mais ils ne mettent pas la traduction à l’épreuve au même degré. Certes, comme en témoigne l’incipit, c’est bien sur la page anglaise que l’homme invisible disparaît le plus complètement. Le nom du recueil renvoie évidemment à cette idée. On a ici affaire à un récit d’illégitimité radicale, où le poète se forge paradoxalement, à même le texte de la Loi sur les langues officielles, une position de hors-la-loi – invisible parce que hors la langue telle qu’officiellement désignée, et dès lors hors la représentation[10] : Godbout relève avec justesse la douleur occasionnée par l’anglais dominant dans le récit. Du côté du Québec, L’homme invisible/The Invisible Man faisait l’effet d’une mise en garde – « symptôme de la faiblesse et de la déperdition personnelle et collective » dont le nationalisme présidant à l’institution d’une littérature nationale québécoise avait cherché à « se couper » en rompant avec son héritage canadien-français (Paré 1994 [1992] : 31). Il évoque à nouveau cette vision plus loin dans le texte, lorsqu’il affirme, encore une fois uniquement sur la page anglaise : Drunken French-Canadian fiddlers play sad music in the background. Situer l’argument de Godbout par rapport au texte de Desbiens implique de relever la position spécifique d’où il émane. La réécriture du bilinguisme officiel à laquelle procède Transfiguration transforme la traduction et le bilinguisme en actes bienveillants, en rapprochement choisi. Une telle démarche s’oppose au bilinguisme officiel. Le Brasier Shelley : Film sonore (France Culture / Création on air). Forums pour discuter de bilinguisme, voir ses formes composées, des exemples et poser vos questions.

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